Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, I.djvu/124

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articles 102, 103 et 104 de la Constitution décrète ce qui suit : 1° Le corps législatif est transféré dans la commune de Saint-Cloud, les deux conseils y siégeront dans les deux ailes du palais. 2° Ils y seront rendus demain, 19 brumaire, à midi. Toute continuation de fonctions, de délibérations, est interdite ailleurs et avant ce terme. 3° Le général Bonaparte est chargé de l’exécution du présent décret. Le général commandant la 17e division militaire, la garde du corps législatif, les gardes nationales sédentaires, les troupes de ligne qui se trouvent dans la commune de Paris et dans toute la 17e division militaire, sont mises immédiatement sous ses ordres. Tous les citoyens lui prêteront main-forte à la première réquisition. 4° Le général Bonaparte est appelé dans le sein du conseil pour y recevoir une expédition du présent décret et prêter serment. 5° Le présent décret sera imprimé, affiché, promulgué et envoyé dans toutes les communes de la République par des courriers extraordinaires. »

Après cette lecture, qui fut suivie du cri unanime de vive Bonaparte ! vive la République ! Le général en chef harangua les militaires présents. Dans cette proclamation, qui fut envoyée aux armées, il disait : « Soldats, le décret extraordinaire du conseil des Anciens est conforme aux articles 102 et 103 de l’acte constitutionnel ; il m’a remis le commandement de la ville et de l’armée. Je l’ai accepté pour seconder les mesures qu’il va prendre et qui sont toutes en faveur du peuple. La République est mal gouvernée depuis deux ans : vous avez espéré que mon retour mettrait un terme à tant de maux ; vous seconderez votre général avec l’énergie, la fermeté, la confiance que j’ai toujours vues en vous. La liberté, la victoire et la paix replaceront la République française au rang qu’elle occupait en Europe et que l’ineptie ou la trahison a pu seule lui faire perdre. Vive la République !

Incontinent, les chefs des quarante-huit sections reçoivent l’ordre de faire battre la générale et de faire proclamer le décret dans tous les quartiers de Paris. Pendant ce temps-là, il se rend à cheval aux Tuileries, suivi d’un nombreux cortège de généraux et de soldats ; admis avec son état-major dans le conseil des Anciens, il leur parle ainsi : « La République périssait ; vous l’avez su et votre décret vient de la sauver ; malheur à ceux qui voudraient le trouble et le désordre ! Je les arrêterai. Qu’on ne cherche pas dans le passé des exemples qui pourraient retarder votre marche. Votre sagesse a rendu ce décret ; nos bras sauront l’exécuter ; nous voulons une république fondée sur la vraie liberté, sur la liberté civile, sur la représentation nationale. Nous l’aurons, je le jure, je le jure en mon nom et en celui de mes camarades d’armes. » Cette allocution, au moins singulière, pour ne pas dire plus, fut accueillie par de nombreux applaudissements, et le nouveau commandant général alla passer la revue des troupes. Par ses ordres 10.000 hommes, commandés par le général Lannes, occupèrent les Tuileries ; les postes du Luxembourg, de l’École-Militaire, du palais des Cinq-Cents (Bourbon), des Invalides, furent confiés à la garde des généraux Milhaud, Murat, Marmont, Berruyer. Le général Lefebvre conserve le commandement de la 17e division militaire, et Moreau lui-même accompagne Bonaparte en qualité de son aide-de-camp. Ces diverses mesures furent prises avec tant d’adresse et de promptitude que, dès les dix heures du matin, le pouvoir des directeurs s’était évanoui comme une ombre. Sieyès et Roger-Ducos, qui avaient été initiés dans les mystères du