Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, I.djvu/127

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La nation accepta ces promesses. Le même jour, les Cinq-Cents déclarèrent que les généraux et les soldats qui, le matin les avaient chassés de l’Orangerie, avaient bien mérité de la patrie.

VIII. Consulat.

La commission consulaire alla s’établir au Luxembourg. Qui de nous présidera ? dit Sieyès à ses collègues. — Vous voyez bien, répondit Roger-Ducos, que c’est le général qui préside. Et en effet le général s’était emparé du fauteuil du milieu. — En sortant de cette conférence, Sieyès dit à ceux qui l’entouraient : Maintenant vous avez un maître ; il sait tout, il fait tout et il peut tout.

La révolution du 18 brumaire, illégale dans ses principes, exécutée au moyen de la violence, et justement répréhensible aux yeux des amis sincères de la liberté, était devenue si nécessaire qu’elle s’accomplit à la satisfaction de la nation. Qu’avait-elle à regretter des divers gouvernements qui s’étaient succédé depuis 92 ? Pendant la tourmente révolutionnaire, la France ne pouvait véritablement avouer, sans rougir, les exploits de ses armées. Par la force des choses, le pouvoir suprême devait donc, un peu plus tôt, un peu plus tard, tomber dans les mains d’un des plus distingués de ses généraux. Bonaparte, le plus actif, le plus ambitieux, le plus habile de tous, obtint cet avantage. Or, qu’on se persuade bien que quand même il eût été tué, lorsqu’il fît irruption dans la salle des Cinq-Cents, ni le Directoire, ni les deux conseils n’auraient point recouvré leur puissance et leur dignité : le mépris public ne l’eût point souffert ; un autre guerrier eut repris et continué le rôle de Bonaparte.

Une ère nouvelle et bien chère à la France commença avec le Consulat. Les lois odieuses sur les otages et sur l’emprunt forcé furent abrogées ; on négocia avec l’Angleterre pour l’échange des prisonniers lâchement oubliés par le Directoire ; la Vendée fut pacifiée, la liste des émigrés fut close ; 9.000 prêtres, déportés par le Directoire, cessèrent d’être molestés ; une foule de prisonniers de diverses catégories recouvrèrent leur liberté. La balance remplace le niveau sur le sceau de l’État ; l’ordre administratif, établi sur de nouvelles bases, prend de la consistance et de la régularité ; un nouveau système de finance donne au crédit public une solidité que les événements subséquents n’ont jamais détruite. Bonaparte réunit sous sa direction immédiate une commission composée des des plus habiles jurisconsultes, pris indistinctement dans toutes les opinions pour rédiger ce Code fameux qui, dans la suite, porta le nom de Napoléon.

Poursuivant toujours l’objet favori de ses vœux, le pouvoir suprême et sans partage, il se fait nommer, par la Constitution de l’an VIII, premier consul pour dix ans. Sieyès et Roger-Ducos, remplacés par Cambacérès et Lebrun, prennent leur retraite dans le sénat. La nouvelle Constitution reconnaissait quatre pouvoirs : le consulat, avec l’initiative des lois, le tribunat, le corps législatif et le sénat. Le premier Consul s’entoure d’un conseil privé, révocable par lui seul et dont il se réservait la présidence : en même temps, il fait apposer son nom en tête des actes du gouvernement. Le voilà, roi, il abandonne le Luxembourg au sénat et va s’établir dans le palais des Tuileries, qu’il habite, comme aurait fait Louis XIV, en maître absolu. Bientôt il eut des courtisans nombreux ; le négligé fut banni du costume, on ne se traita plus de citoyen dans les conversations ; la dignité dans le maintien, une mesure convenable