Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, I.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à Bayonne, où il invite Ferdinand à se rendre. — Ferdinand remet la couronne à son père, et celui-ci et tous les princes de sa famille renoncent à leurs droits, au trône de leurs ancêtres en faveur de Napoléon, qui pourra en disposer comme il l’entendra, et cela dans l’intérêt de l’Espagne, dont il est nécessaire, dit le ministre Champagny, qu’une main ferme vienne rétablir l’ordre dans son administration et prévienne la ruine vers laquelle elle marche à grands pas. « Il faut qu’un prince ami de la France règne en Espagne ; c’est l’ouvrage de Louis XIV qa’il faut recommencer. Ce que la politique conseille, la justice l’autorise ! »

Napoléon, habitué à la docilité des Italiens, crut bien sincèrement qu’il aurait aussi bon marché des Espagnols, il se trompa grandement. Cette nation fière, qui était comme assoupie depuis assez longtemps, indignée de ce que des étrangers se permettaient de régler ses destinées, de changer la dynastie de ses rois sans la consulter, oubliant l’extrême faiblesse de ses moyens, jura l’extermination de tous les Français ; toutes les classes, tous les sexes, les prêtres, les moines, les religieuses, les mendiants feront tout ce qui dépendra d’eux pour repousser les armées du conquérant usurpateur de leurs droits. Les Espagnols se battent rarement en bataille rangée, mais ils parviendront à lasser, à détruire leurs ennemis par une guerre d’embuscade, de partisans, d’assassins. Pour atteindre ce but, le poignard, le poison, tous les genres de destruction, de vengeance, leur sembleront légitimes ; le sol de la péninsule deviendra pour les Français un véritable cimetière, où ils trouveront la mort sans profit et sans gloire ; en effet, en moins de cinq ans, le tout-puissant Napoléon se verra dans la triste nécessité de renvoyer Ferdinand dans ses États. Le commencement de ses malheurs et de sa décadence date du traité de Bayonne.

Le trône de Charles IV est donné à Joseph Napoléon. Celui de Naples, qu’il quitte, devient le partage de Murat, beau-frère de l’Empereur. Le 4 octobre 1808, Napoléon se rend de sa personne en Espagne, à la tête de 80.000 vieux soldats qu’il a tirés d’Allemagne. Il faut, se plaît-il à dire, que la Méditerranée devienne le lac français. D’abord il se porte sur la capitale, mais il n’y a plus de gouvernement stable et régulier dans le pays : toutes les villes, tous les bourgs sont autant de centres d’actions ; la nation espagnole est devenue, pour son ennemi, une hydre à mille têtes.

Madrid, menacé d’un assaut, ouvre ses portes au conquérant. Le 4 décembre 1808, dans une proclamation qu’il adresse aux habitants, il annonce son dessein de traiter l’Espagne en pays conquis, si elle persiste à ne pas reconnaître Joseph Napoléon pour roi : « Je mettrai alors la couronne d’Espagne sur ma tête, et je saurai la faire respecter des méchants : car Dieu m’a donné la force et le caractère pour surmonter tous les obstacles. » Il dit à une dépulation de Madrid, qui vient le remercier de la protection qu’il daigne lui accorder : « Vos neveux me béniront comme votre régénérateur ; ils placeront au nombre des jours mémorables ceux où j’ai paru parmi vous, et, de ces jours, datera la prospérité de l’Espagne. » Après un séjour de quelques semaines dans la péninsule, de graves événements qui se préparaient dans le nord l’obligent à repasser les Pyrénées, sans avoir rien accompli de décisif. Cette retraite agit en sens divers sur le moral de ses soldats et des populations espagnoles.

Le 9 avril 1809, une cinquième coalition contre la France se forme ; l’archiduc Charles, commandant la principale