Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, I.djvu/198

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égards. Il n’a jamais existé de mortel dont la puissance ait égalé la sienne : 100 millions d’hommes, l’élite du genre humain, subirent plus ou moins sa domination pendant quinze ans. Considéré comme administrateur, son gouvernement fut irréprochable. À peine eut-il saisi le timon de l’État, que l’anarchie qui, depuis dix ans, désolait la nation française, s’évanouit comme l’ombre à l’approche de la lumière, comparable au feu qui fond et allie des métaux divers pour en composer un tout homogène. Napoléon, premier consul, fait rentrer dans le Sénat et sans exception les partis divers qui déchiraient le sein de la patrie. Il n’y a plus d’émigrés, de Jacobins, de Vendéens. La nation ne voit dans ces diverses factions que des enfants dociles d’un même peuple vivant en paix sous les mêmes lois ; le premier Consul, couvrant d’un voile prudent les erreurs et les fautes du passé, appelle à lui sans distinction tous les hommes de mérite. Le royaliste et le juge de Louis XVI, s’asseyent sur le même tribunal, et rendent la justice de concert : le Vendéen a la confiance de Bonaparte, il obtient, comme le républicain, de l’avancement dans ses armées. Il n’a pas dormi deux nuits dans le palais des Tuileries, que le crédit public se réveille et renaît comme par enchantement.

Ainsi que Newton, Bossuet, Pascal, ainsi que tous les hommes supérieurs, Napoléon était naturellement religieux ; sa haute intelligence lui avait fait comprendre qu’on ne régit pas un peuple comme un troupeau de bêtes brutes ; à sa voix, les temples s’ouvrirent, les autels se relevèrent ; les prêtres trouvèrent protection et appui sous un gouvernement qui, ennemi déclaré de tout espèce de désordre, leur accorda autant et pas plus de liberté que les convenances n’en comportent dans l’exercice de leur saint ministère. Plus de querelles, plus d’animosité entre les diverses communions. Il fut également permis au catholique, au luthérien, au rabbin d’honorer le Créateur suivant ses convictions, et comme il l’entendait, mais avec défense de s’immiscer dans les rites des croyances dissidentes. Tout en laissant au temple de Sainte-Geneviève le nom de Panthéon, l’Empereur le rendit au culte catholique ; on consolida cet édifice sous son règne, et le chiffre de la patronne de Paris fut incrusté au centre du pavé du dôme ; celui qui, avec raison, s’était moqué des cérémonies ridicules des théophilanthropes, avait un sens trop droit pour souffrir que le culte du vrai Dieu fût banni à jamais de cette magnifique église.

Sous le régime impérial, l’industrie fut encouragée par tous les moyens possibles. On acheta à grands frais des machines, des métiers modèles aux étrangers : on donna des encouragements pécuniaires aux manufacturiers ; on promit un million de récompense au mécanicien qui trouverait le moyen de filer le lin à la mécanique. Il n’était pas rare de voir l’étoile d’honneur briller en même temps sur la poitrine du fabricant habile comme sur celle du général d’armée. Grâce au blocus continental, que les peuples de l’empereur des Français et de ses alliés regardèrent d’abord comme tyrannique, ne prévoyant pas les conséquences avantageuses qu’il aurait pour leurs intérêts, il se fit des prodiges dans les arts physico-chimiques, mécaniques, dans le travail des métaux, etc. C’est sous le règne de Napoléon que prit naissance cette industrie aussi étonnante qu’inattendue, des sucres indigènes. Si le monarque français n’eut pas la satisfaction de conduire ses légions victorieuses jusque sous les murs de l’Angleterre, il porta, par le blocus continental et par