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frégate, part à la nuit tombante, se dirige vers le bâtiment, s’élance à bord avec ses marins, tue ou jelle à la mer ISO Marattes qui veulent le défendre, et le ramène en triomphe au milieu des acclamations de l’escadre. Cette belle action augmenta l’estime et la considération que M. de Saint-Félix avait déjà pour ce noble caractère. Aussi, en 1793, lorsque la guerre venait d’éclater, que les colonies étaient en proie à toutes les convulsions de la métropole, l’amiral chargea-t-il Decrès d’aller en France pour rendre compte au gouvernement de leur situation, pour solliciter et amener promptement des secours. Il arriva le 10 février 1794 à Lorient, où il apprit tout à la fois que, promu au grade de capitaine au mois de janvier 1793, il avait été destitué par mesure générale. Arrêté immédiatement, on le conduisit à Paris, où il fut assez heureux pour échapper à la présomption dont il était menacé. Il se rendit ensuile au sein de sa famille, où il vécut dans l’isolement jusqu’au mois de juin 1795, époque à laquelle il fut réintégré dans son grade et nommé au commandement du Formidable, qui devait faire partie de l’expédition de l’Irlande.

Cette tentative n’ayant pas réussi, on désarma l’armée navale, et Decrès resta dans l’inaction jusqu’au moment où les préparatifs d’une expédition à jamais glorieuse lui offrirent l’occasion de s’associer aux conquérants de l’Égypte. C’est de cette époque que date sa nomination au grade de contre-amiral.

Commandant en cette qualité l’escadre légère de l’armée navale aux ordres de Brueys, il fut chargé, àl’attaque deMalte, de protéger le débarquement des troupes et de soutenir un engagement avec les galères de l’île. Il paraît qu’ayant serré de trop près la côte, il fut un instan compromis sous le feu des batteries di

fort La Valette ; mais il parvint bientôt, ivec autant d’habileté que de bonheur, se soustraire aux dangers qui le menaçaient.

Au combat d’Aboukir, il ne montra pas moins de dévouement et d’intrépidité. De l’arrière-garde où il se trouvait, il passa successivement sur deux vaisseaux du centre, et ne revint au sien que lorsqu’il le vit aux prises avec l’ennemi. Il lutta pendant deux heures et demie avec un acharnement inouï ; ses mâts étaient brisés, ses ancres perdues ; mais son ardeur, son courage, sa prodigieuse activité ne se démentirent pas un instant au milieu des périls qui l’environnaient ; il se réparait en combattant, et parvint enfin, à force de sang-froid, d’habileté, de persévérance, à rallier à son pavillon les débris de l’escadre dont il protégea la retraite jusqu’à Malte.

Les forces anglaises ne tardèrent pas à se réunir devant ce port pour en former le blocus. Decrès prit le commandement des avant-postes. Pendant dix-sept mois, nos troupes eurent à soutenir les assauts réitérés de l’ennemi. Mais chaque jour notre position devenait plus critique, une partie de l’ile était tombée au pouvoir des Anglais, les subsistances devenaient très-rares, et le nombre des malades se multipliait avec une effrayante rapidité. Le contre-amiral, pour soulager la détresse de la garnison, fit embarquer 1,000 combattants et 200 malades à bord du Guillaume Tell, et appareilla sous le feu des batteries qui hérissaient la côte orientale de l’île. Il était désemparé avant d’avoir quitté le port. Les vaisseaux anglais, prévenus de son départ, l’attendaient dans leurs positions respectives. Leurs forces réunies étaient triples de celles que commandait Decrès ; mais le moment décisif était arrive, et l’on ne pouvait se sauver que par une vigoureuse résolu-

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