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lion. La Pénélope se présenta la première au combat ; Decrès l’élude, fond avec impétuosité sur le Lion, le démâte, l’oblige de fuir vent en arrière, lorsque le Foudroyant arrive pour soutenir le bâtiment avarié ; l’action dura pendant une heure avec le plus grand acharnement. La Pénélope et le Lion, ayant réparé leurs avaries, reviennent à la charge avec une nouvelle opiniâtreté. Le Guillaume Tell est environné d’une ceinture de feu, ses mâts sont successivement abattus, la moitié de l’équipage est hors de combat. Une explosion de gar-gousses, qui a lieu au même moment sur la dunette, renverse le contre-amiral du banc de quart sur lequel il était monté. Après neuf heures et demie du plus terrible combat qui ait jamais été livré, Decrès, tout criblé de blessures, et cédant à la nécessité qui l’accable, amène enfin avec la conscience d’avoir tout sacrifié à la gloire de son pavillon. Les vaisseaux ennemis furent extrêmement maltraités dans cette lutte sanglante, et ne purent atteindre qu’à grand’peine Minorque, où ils relâchèrent en faisant eau de toutes parts. Cette glorieuse résistance valut à Decrès un sabre d’honneur des mains du premier Consul.

A son retour en France, Bonaparte le nomma préfet maritime de Lorient, et lui confia bientôt après le commandement de l’escadre de Rochefort. L’habileté avec laquelle le contre-amiral s’acquitta de ses diverses fonctions le fit appeler au ministère de la marine en octobre -1801. Ce posle était difficile dans la situation déplorable où se trouvaient nos forces navales.

Le désordre s’était introduit dans toutes les branches de l’administration ; les employés qui en faisaient partie étaient ou des hommes incapables ou d’une profonde incurie. Les arsenaux manquaient d’armes, les magasins n’avaient ni appro-

visionnements, ni agrès. Tout, en un mot, se ressentait de l’instabilité des événements et de la désunion des hommes qui avaient longtemps présidé à nos destinées.

Le nouveau ministre embrasse d’un coup d’œil toutes les calamités qui pèsent sur notre marine. A sa voix, les produits affluent dans nos ports de mer, les services s’organisent avec célérité ; des chantiers, des arsenaux, se construisent comme par enchantement, enfin le nombre de nos bâtiments s’accroît dans une proportion imposante.

Le premier Consul, satisfait de’ la vigilance, de l’activité de Decrès, le stimule, l’encourage, et le rassure sur les machinations dont il craint de devenir la victime. « La confiance, lui écrit-il (25 pluviôse an xi), que je, vous ai témoignée en vous appelant au ministère, n’a pas été légèrement donnée ; elle ne peut être légèrement atténuée. C’est la marine qu’il faut rétablir. La première année d’un ministère est un apprentissage. La seconde du vôtre ne fait que commencer. Dans la force de l’âge, vous avez, il me semble, une belle carrière devant vous, d’autant plus belle que nos malheurs passés ont été plus en évidence : réparez-les sans relâche. Les heures perdues dans l’époque où nous vivons sont irréparables. » Cette lettre produisit le résultat que Bonaparte en attendait. Le ministre, heureux de la confiance du premier Consul, dédaigna les obscures menées de l’intrigue, et s’efforça, par un redoublement de zèle, de constance, de dévouement, de réaliser les espérances que ses talents avaient fait concevoir au chef de l’État.

Cet homme, dont les conceptions hardies commençaient déjà à étonner le monde, faisait rassembler des.troupes considérables sur les côtes de l’Océan pour tenter une invasion en Angleterre.

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