Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/127

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place que la misérable régence de Lebac, celle d’Amboina étant plus importante et sa gestion ayant été suprême et indépendante.

On avait bien parlé aussi de le nommer préfet, avant son départ pour Amboina ; et plus d’un s’étonnait de le voir chargé d’une régence, donnant si peu d’émoluments ; il y a tant de gens qui ne jugent de l’importance d’un emploi que par les revenus qui y sont attachés.

Il ne s’en plaignait pourtant pas. Son ambition n’allait pas jusqu’à mendier un rang plus élevé, ou de plus larges profits.

Néanmoins, c’eût été une bonne aubaine, et une aubaine venant à propos pour lui. Ses voyages, en Europe, lui avaient coûté le peu qu’il avait mis de côté, pendant les années précédentes. Il avait même fait des dettes. En un mot, il était pauvre. Mais, il ne regarda jamais son emploi, comme une roue de fortune, et lors de sa nomination à Lebac, il fit contre fortune bon cœur, prenant la résolution de rattraper l’arrièré par ses économies ; sa femme, simple dans ses goûts et dans ses besoins, l’assistait, dans cette bonne résolution.

Pourtant, il en coûtait à Havelaar d’être économe. Pour lui-même, il consentait bien à se borner au strict nécessaire ; il se privait, à la rigueur ; mais, avait-il affaire à des malheureux, donner, aider, secourir était pour lui un besoin, une passion.

Il se rendait compte de cette faiblesse, il se raisonnait, avec son bon sens naturel, et se trouvait parfaitement injuste, d’assister les autres, quand il était lui-même besoigneux ; il sentait d’autant plus cette injustice, que souvent sa Tine et son Max, les deux êtres qui lui étaient chers par dessus tout,