Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/137

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connaît sa façon de parler, et de donner un aspect nouveau aux choses les plus communes. Dans ces cas-là, il grandissait, son regard étincelait, sa voix douce et caressante, d’ordinaire, devenait dure et mordante, les images poétiques ou réelles sortaient en foule de ses lèvres prodigues, perles précieuses qui avaient l’air de ne lui rien coûter, et, quand il s’arrêtait, chacun de ses auditeurs, surpris, charmé, semblait se demander : quel est cet homme-là, mon Dieu ?

Il est vrai, que souvent, à la suite de ces séances, Havelaar qui venait de parler comme un apôtre ou comme un prophète, ne se souvenait plus d’un seul mot de son discours.

Aussi son éloquence avait elle plutôt le don d’étonner, que la faculté de convaincre, par le poids de ses raisonnements. Il aurait pu surexciter l’ardeur guerrière des Athéniens, après la déclaration de guerre faite à Philippe, de Macédoine ; mais il eût eu moins de succès s’il lui avait fallu les décider à lui déclarer la guerre.

Son discours aux chefs de Lebac, fut prononcé dans l’idiome malais. Il n’en parut que plus original, la simplicité des langues orientales, donnant à chaque expression une pureté et une force primitives, qui se sont perdues dans les langues occidentales, plus artificielles. La mélodie du malais est difficile à rendre. Qu’on n’oublie pas non plus que la plupart de ses auditeurs étaient des gens simples, mais non inintelligents, des Orientaux dont les impressions diffèrent bien des nôtres.

Havelaar parla, donc, à peu près, en ces termes :

„ Monsieur le Prince-Régent de Bantan-Kidoul, et vous, chefs de district dans cette régence ; et vous, dont la fonction est la justice ; et vous qui repré-