Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/323

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faisait pas d’illusion là dessus ; mais, d’autre part dans les villages circonvoisins, le bruit s’était répandu que le fonctionnaire, chef de l’autorité à Rangkas-Betoung, avait l’intention de rendre sérieusement la justice.

Ainsi, ses paroles, sans avoir eu la force nécessaire pour empêcher le crime, avaient eu pour résultat, de donner, à ceux qui en étaient les victimes, le courage de se plaindre.

Ils se plaignaient à voix basse, et en cachette, mais ils se plaignaient !

Le soir, ils arrivaient, ils se glissaient par le ravin ; et souvent Tine, qui se tenait dans sa chambre, ne laissait pas d’être effrayée par des bruits subits et imprévus ; elle regardait, et apercevait devant sa fenêtre, des figures noires, des êtres bronzés qui marchaient à pas de loup, dans les ténèbres.

À la longue, ses frayeurs la quittèrent ; elle comprit ce que signifiait l’apparition de ces fantômes muets, errant autour de la maison, et cherchant aide et protection auprès de Havelaar.

Quand cela arrivait, elle l’avertissait, et Max se levait pour appeler à lui les plaignants.

La plupart d’entr’eux venaient du district de Parang-Koudjang, où commandait le beau-fils du Prince-Régent.

Or, on savait parfaitement que toutes les fois que ce chef se livrait à ses rapines et à ses exactions, sur lesquelles il se réservait une large part, c’était au nom et au profit du Prince-Régent qu’il volait, pressurait, et pillait.

Il était touchant de voir comme ces pauvres gens avaient confiance dans la loyauté de Havelaar.

Ils étaient certains qu’il ne les assignerait pas pour