Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies II.djvu/260

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Elle ne manque pas de fortune, mais elle ne peut en disposer. Ses plaisirs, ses goûts, sa parure, ses caprices, si vous voulez, quelle femme vit sans caprice ? tout est réglé et contrôlé. Ce n’est pas qu’au bout de l’année elle ne se trouve en position de faire face à de grosses dépenses ; mais chaque mois, presque chaque semaine, il lui faut compter, disputer, calculer tout ce qu’elle achète. [Vous comprenez que la morale, tous les sermons d’économie possibles, toutes les raisons des avares, ne font pas faute aux échéances ;] enfin, avec beaucoup d’aisance, elle mène la vie la plus gênée. Elle est plus pauvre que son tiroir, et son argent ne lui sert de rien. Qui dit toilette, en parlant des femmes, dit un grand mot, vous le savez. Il a donc fallu, à tout prix, user de quelque stratagème. Les mémoires des fournisseurs ne portent que ces dépenses banales que le mari appelle « de première nécessité » ; ces choses-là se paient au grand jour ; mais, à certaines époques convenues, certains autres mémoires secrets font mention de quelques bagatelles que la femme appelle à son tour « de seconde nécessité », qui est la vraie, et que les esprits mal faits pourraient nommer du superflu. Moyennant quoi, tout s’arrange à merveille ; chacun y peut trouver son compte, et le mari, sûr de ses quittances, ne se connaît pas assez en chiffons pour deviner qu’il n’a pas payé tout ce qu’il voit sur l’épaule de sa femme.

Fortunio.

Je ne vois pas grand mal à cela.