Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies II.djvu/310

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lement pas. Quand je vous dis que je vous aime, vous croyez donc que je n’en sens rien ? Quand je vous parle de deux ans de souffrances, vous croyez donc que je fais comme vous ? Eh quoi ! vous me brisez le cœur, vous prétendez vous en repentir, et c’est ainsi que vous me quittez ! La nécessité, dites-vous, vous a fait commettre une faute, et vous en avez du regret ; vous rougissez, vous détournez la tête ; ce que je souffre vous fait pitié ; vous me voyez, vous comprenez votre œuvre ; et la blessure que vous m’avez faite, voilà comme vous la guérissez ! Ah ! elle est au cœur, Jacqueline, et vous n’aviez qu’à tendre la main. Je vous le jure, si vous l’aviez voulu, quelque honteux qu’il soit de le dire, quand vous en souririez vous-même, j’étais capable de consentir à tout. Ô Dieu ! la force m’abandonne ; je ne peux pas sortir d’ici.

Il s’appuie sur un meuble.
Jacqueline.

Pauvre enfant ! je suis bien coupable. Tenez, respirez ce flacon.

Fortunio.

Ah ! gardez-les, gardez-les pour lui, ces soins dont je ne suis pas digne ; ce n’est pas pour moi qu’ils sont faits. Je n’ai pas l’esprit inventif, je ne suis ni heureux ni habile ; je ne saurais à l’occasion forger un profond stratagème. Insensé ! j’ai cru être aimé ! oui, parce que vous m’aviez souri, parce que votre main tremblait dans la mienne, parce que vos yeux sem-