Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies II.djvu/57

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sir ; mais rien n’est plus beau, selon moi, qu’une religion qui se fait aimer par de pareils moyens. Pourquoi les prêtres voudraient-ils servir un Dieu jaloux ? La religion n’est pas un oiseau de proie ; c’est une colombe compatissante qui plane doucement sur tous les rêves et sur tous les amours.

Lorenzo.

Sans doute ; ce que vous dites là est parfaitement vrai, et parfaitement faux, comme tout au monde.

Tebaldeo Freccia, s’approchant de Valori.

Ah ! monseigneur, qu’il est doux de voir un homme tel que Votre Éminence parler ainsi de la tolérance et de l’enthousiasme sacré ! Pardonnez à un citoyen obscur, qui brûle de ce feu divin, de vous remercier de ce peu de paroles que je viens d’entendre. Trouver sur les lèvres d’un honnête homme ce qu’on a soi-même dans le cœur, c’est le plus grand des bonheurs qu’on puisse désirer.

Valori.

N’êtes-vous pas le petit Freccia ?

Tebaldeo.

Mes ouvrages ont peu de mérite ; je sais mieux aimer les arts que je ne sais les exercer. Mais ma jeunesse tout entière s’est passée dans les églises. Il me semble que je ne puis admirer ailleurs Raphaël et notre divin Buonarotti. Je demeure alors durant des journées devant leurs ouvrages, dans une extase sans égale. Le chant de l’orgue me révèle leur pensée, et me fait péné-