Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec Boileau, qui leur avait pardonné ; et, bien qu’il se vantât de faire marcher sa muse pieds nus, comme la vérité, les classiques auraient pu la croire chaussée de cothurnes d’or. Ils auraient pu se réjouir d’une amende honorable exprimée avec tant de bonne grâce ; ils ne firent pas semblant de la connaître et revinrent au point sur un i, comme le marquis de Molière à son refrain de tarte à la crème. Pendant ce temps-là, les romantiques, blessés de la profession de foi de Rafaël, se plaignirent de la désertion et ne manquèrent pas de dire que le poète des Contes d’Espagne avait faibli et ne tenait point ce que ses débuts avaient promis. Alfred de Musset se trouva isolé tout à coup, ayant tous les partis à la fois contre lui ; mais il était jeune et superbe, comme Œdipe, et d’ailleurs les dissentiments littéraires n’empêchaient point les bons rapports. Il n’allait plus aussi souvent au Cénacle, mais il retrouvait ses anciens amis aux soirées d’Achille Devéria et à l’Arsenal, chez le bon Nodier qui l’aimait tendrement.

Cependant Alfred avait obtenu la permission de se démettre de son emploi, et ce jour avait été un des plus beaux de sa vie. Pour rassurer son père sur les conséquences de ce coup de tête, il voulut essayer de travaux plus lucratifs que la poésie. Dans ce dessein il écrivit une petite pièce en trois tableaux intitulée la Quittance du diable. Chaque tableau contenait une scène en vers. Ce n’était qu’une bluette fantastique,