Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/355

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tête, qu’on défendît sa cause tant qu’on avait une raison à donner, un argument à faire valoir, et surtout qu’on exprimât sa pensée nettement. Dès son plus jeune âge, il témoigna son antipathie pour les hésitations. Un soir, en 1828, notre père nous emmène tous deux au ministère de la guerre, chez le général de Caux, pour assister à la lecture d’un éloge du feu duc de Rivière par M. Alissan de Chazet. L’auditoire se composait de royalistes éprouvés. Avant d’entrer dans le salon du ministre, notre père nous recommanda de prendre garde à ne point heurter l’amour-propre de l’auteur. M. Alissan de Chazet lut son panégyrique sans trop d’emphase, et quand il eut fini, les admirateurs du feu duc le félicitèrent. Pour montrer qu’il ne se laissait point enivrer par le nectar des compliments, l’auteur demanda des avis ; il insista même pour obtenir quelques critiques, disant que c’était le moment de lui signaler ses fautes, avant que la brochure fût chez l’imprimeur. Alfred prend alors la parole, et déclare qu’il a une critique à faire. On forme un cercle autour de ce petit blondin parfaitement inconnu ; le ministre et l’auteur le regardent en souriant, tandis que son père, un peu inquiet, fronce le sourcil. « Monsieur, dit le jeune garçon, dans le morceau que nous venons d’entendre, toutes les fois que vous faites une comparaison ou que vous cherchez à rendre votre pensée par une image, vous semblez en demander pardon au lecteur, en