Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/203

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visite. L’idée que j’avais eue la veille, qu’il avait pu me nuire dans l’esprit de Brigitte, s’évanouissait malgré moi ; je lui trouvais un air de franchise et en même temps de sévérité, qui m’arrêtait et m’en imposait. Peu à peu mes pensées prenaient un autre cours ; je le regardais attentivement, et il me sembla que de son côté il m’observait aussi avec curiosité.

Nous avions vingt et un ans tous deux ; et quelle différence entre nous ! Lui, habitué à une existence dont le son réglé d’une horloge déterminait les mouvements ; n’ayant jamais vu de la vie que le chemin d’une chambre isolée à un bureau enfoui dans un ministère ; envoyant à une mère l’épargne même, ce denier de la joie humaine, que serre avec tant d’avarice toute main qui travaille ; se plaignant d’une nuit de souffrance parce qu’elle le privait d’un jour de fatigue ; n’ayant qu’une pensée, qu’un bien, veiller