Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/311

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les donc, ils sont solides ; c’est ta main qui les a forgés. Ô insensé qui as désiré et qui as possédé ton désir, tu n’avais pas pensé à Dieu ! Tu jouais avec le bonheur comme un enfant avec un hochet, et tu ne réfléchissais pas combien c’était rare et fragile, ce que tu tenais dans tes mains ; tu le dédaignais, tu en souriais et tu remettais d’en jouir, et tu ne comptais pas les prières que ton bon ange faisait pendant ce temps-là pour te conserver cette ombre d’un jour. Ah ! s’il en est un dans les cieux qui ait jamais veillé sur toi, que devient-il en ce moment ? Il est assis devant un orgue ; ses ailes sont à demi ouvertes, ses mains étendues sur le clavier d’ivoire ; il commence un hymne éternel, l’hymne d’amour et d’immortel oubli. Mais ses genoux chancellent, ses ailes tombent, sa tête s’incline comme un roseau brisé ; l’ange de la mort lui a touché l’épaule, il disparaît dans l’immensité !