Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/313

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

la trace intacte ! Ah Dieu ! si tu veux vivre encore, ne faudrait-il pas l’effacer ? Quel autre parti te resterait-il, pour conserver ton souffle misérable, que d’achever de le corrompre ? Oui, maintenant ta vie est à ce prix. Il te faudrait, pour la supporter, non seulement oublier l’amour, mais désapprendre qu’il existe ; non seulement renier ce qui a été bon en toi, mais tuer ce qui peut l’être encore ; car que ferais-tu si tu t’en souvenais ? Tu ne ferais pas un pas sur terre, tu ne rirais pas, tu ne pleurerais pas, tu ne donnerais pas l’aumône à un pauvre, tu ne pourrais pas être bon un quart d’heure, sans que tout ton sang, reflué au cœur, te crie que Dieu t’avait fait bon pour que Brigitte fût heureuse. Tes moindres actions retentiraient en toi, et, comme des échos sonores, y feraient gémir tes malheurs ; tout ce qui remuerait ton âme y éveillerait un regret, et l’espérance, ce messager céleste, ce saint ami qui