Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/315

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À cette vue, tous mes sens s’émurent. Était-ce de douleur ou de désir ? je n’en sais rien. Une pensée horrible m’avait fait frémir tout à coup. « Eh quoi ! me dis-je, laisser cela à un autre ! mourir, descendre dans la terre, tandis que cette blanche poitrine respirera l’air du firmament ! Dieu juste ! une autre main que la mienne sur cette peau fine et transparente ! une autre bouche sur ces lèvres et un autre amour dans ce cœur ! un autre homme ici, à ce chevet ! Brigitte heureuse, vivante, adorée, et moi dans le coin d’un cimetière, tombant en poussière au fond d’une fosse ! Combien de temps pour qu’elle m’oublie, si je n’existe plus demain ? combien de larmes ? aucune, peut-être ! Pas un ami, personne qui l’approche, qui ne lui dise que ma mort est un bien, qui ne s’empresse de l’en consoler, qui ne la conjure de n’y plus songer ! Si elle pleure, on voudra la distraire ; si un souvenir la frappe, on l’écartera ; si son