Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/322

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et ce reproche, qui me le ferait ? quel ordonnateur inflexible viendra me dire que j’ai mésusé ? Qu’en sait-il ? était-il en moi ? Si chaque créature a sa tâche à remplir, et si c’est un crime de la secouer, quels grands coupables sont donc les enfants qui meurent sur le sein de la nourrice ? pourquoi ceux-là sont-ils épargnés ? De comptes rendus après la mort, à qui servirait la leçon ? Il faudrait bien que le ciel fût désert pour que l’homme fût puni d’avoir vécu, car c’est assez qu’il ait à vivre et je ne sais qui l’a demandé, sinon Voltaire au lit de mort ; digne et dernier cri d’impuissance d’un vieil athée désespéré. À quoi bon ? pourquoi tant de luttes ? qui donc est là-haut qui regarde, et qui se plaît à tant d’agonies ? qui donc s’égaie et se désœuvre à ce spectacle d’une création toujours naissante et toujours moribonde ? à voir bâtir, et l’herbe pousse ; à voir planter, et la foudre tombe ; à voir marcher, et la mort crie : «