Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/321

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que tu foules te tire à elle par la plante des pieds. Descends, descends ! Pourquoi tant d’épouvante ? est-ce un mot qui te fait horreur ? Dis seulement : « Nous ne vivrons plus. » N’est-ce pas là une grande fatigue dont il est doux de se reposer ? Comment se fait-il qu’on hésite, s’il n’y a que la différence d’un peu plus tôt à un peu plus tard ? La matière est impérissable, et les physiciens, nous dit-on, tourmentent à l’infini le plus petit grain de poussière sans pouvoir jamais l’anéantir. Si la matière est la propriété du hasard, quel mal fait-elle en changeant de torture, puisqu’elle ne peut changer de maître ? Qu’importe à Dieu la forme que j’ai reçue et quelle livrée porte ma douleur ? La souffrance vit dans mon crâne ; elle m’appartient, je la tue ; mais l’ossement ne m’appartient pas, et je le rends à qui me l’a prêté ; qu’un poète en fasse une coupe où il boira son vin nouveau ! Quel reproche puis-je encourir,