Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/326

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qui lui avait, au lit de mort, donné ce petit crucifix. Je ne me souvenais pourtant pas de le lui avoir jamais vu ; sans doute, au moment de partir, elle l’avait suspendu à son cou, comme une relique préservatrice des dangers du voyage. Je joignis les mains tout à coup et me sentis fléchir vers la terre. « Seigneur mon Dieu ! dis-je en tremblant, Seigneur mon Dieu, vous étiez là ! »

Que ceux qui ne croient pas au Christ, lisent cette page ; je n’y croyais pas non plus. Ni au collège, ni enfant, ni homme, je n’avais hanté les églises ; ma religion, si j’en avais une, n’avait ni rite ni symbole, et je ne croyais qu’à un Dieu sans forme, sans culte et sans révélation. Empoisonné dès l’adolescence de tous les écrits du dernier siècle, j’y avais sucé de bonne heure le lait stérile de l’impiété. L’orgueil humain, ce dieu de l’égoïste, fermait ma bouche à la prière, tandis que mon âme effrayée se réfugiait dans l’espoir