Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/56

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voient plus qu’à travers leur joie, premiers pas faits dans la nature à côté de la bien-aimée ! qui vous peindra ? Quelle parole humaine exprimera jamais la plus faible caresse ?

Celui qui, par une fraîche matinée, dans la force de la jeunesse, est sorti un jour à pas lents, tandis qu’une main adorée fermait sur lui la porte secrète ; qui a marché sans savoir où, regardant les bois et les plaines ; qui a traversé une place sans entendre qu’on lui parlait ; qui s’est assis dans un lieu solitaire, riant et pleurant sans raison ; qui a posé ses mains sur son visage pour y respirer un reste de parfum ; qui a oublié tout à coup ce qu’il avait fait sur terre jusqu’alors ; qui a parlé aux arbres de la route et aux oiseaux qu’il voyait passer ; qui enfin, au milieu des hommes, s’est montré un joyeux insensé, puis qui est tombé à genoux et qui en a remercié Dieu ; celui-là mourra sans se plaindre : il a eu la femme qu’il aimait.