Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/89

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si persuadé de son innocence, et je me trouvais si injuste, que j’étais pénétré de repentir. « Vous me rappelez, me dit-elle, que je vous dois l’histoire de ma vie ; asseyez-vous, et vous la saurez. Vous ouvrirez ensuite ces tiroirs, et vous lirez tout ce qu’il y a ici de ma main ou de mains étrangères. »

Elle s’assit et me montra un fauteuil. Je vis l’effort qu’elle faisait pour parler. Elle était pâle comme la mort ; sa voix altérée sortait avec peine, et sa gorge se contractait.

« Brigitte ! Brigitte ! m’écriai-je, au nom du ciel, ne parlez pas ! Dieu m’est témoin que je ne suis pas né tel que vous me croyez ; je n’ai jamais été de ma vie ni soupçonneux ni défiant. On m’a perdu, on m’a faussé le cœur. Une expérience déplorable m’a conduit dans un précipice, et je n’ai vu, depuis un an, que ce qu’il y a de mal ici-bas. Dieu m’est témoin que jusqu’à ce jour je ne me croyais pas moi-même capable de ce rôle ignoble,