Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/99

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maîtresse, et je n’étais satisfait que lorsque mes plaisanteries ironiques avaient gâté et empoisonné ces souvenirs des jours heureux. « Ne pourriez-vous pas me laisser cela ? me demandait tristement Brigitte. S’il y a en vous deux hommes si différents, ne pourriez-vous, quand le mauvais se lève, vous contenter d’oublier le bon ? »

La patience que Brigitte opposait à ces égarements ne faisait cependant qu’exciter ma gaîté sinistre. Étrange chose que l’homme qui souffre veuille faire souffrir ce qu’il aime ! Qu’on ait si peu d’empire sur soi, n’est-ce pas la pire des maladies ? Qu’y a-t-il de plus cruel pour une femme que de voir un homme qui sort de ses bras tourner en dérision, par une bizarrerie sans excuse, ce que les nuits heureuses ont de plus sacré et de plus mystérieux ? Elle ne me fuyait pourtant pas ; elle restait auprès de moi, courbée sur sa tapisserie, tandis que, dans mon humeur