Page:Musset - Poésies, édition Nelson.djvu/64

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Vient à lever les yeux... La belle Américaine,
Oui dérobait les siens, enfin les souleva.
Sur qui ? — Bien des regards, ainsi qu’on peut le croire,
Comme un regard de reine avaient cherché le sien.
Que de fronts orgueilleux qui s’en seraient fait gloire!
Sur qui donc ? — Pauvre enfant, le savait-elle bien?

 
Ce fut sur un jeune homme à l’œil dur et sévère,
Qui la voyait venir et ne la cherchait pas;
Qui, lorsqu’elle emportait une assemblée entière,
N’avait pas dit un mot, ni fait vers elle un pas.
Il était seul, debout, — un étrange sourire, —
Sous de longs cheveux blonds des traits efféminés; —
A ceux qui l’observaient son regard semblait dire :
On ne vous croira pas si vous me devinez.
Son costume annonçait un fils de l’Angleterre;
Il est, dit-on, d’Oxford. — Né dans l’adversité,
Il habite le toit que lui laissa son père,
Et prouve un noble sang par l’hospitalité.
Il se nomme Tiburce.
                            On dit que la nature
A mis dans sa parole un charme singulier,
Mais surtout dans ses chants, — que sa voix triste et pure
A des sons pénétrants qu’on ne peut oublier.
Mais, à compter du jour où mourut son vieux père,
Quoi qu’on fît pour l’entendre, il n’a jamais chanté.