Page:Musset - Poésies, édition Nelson.djvu/84

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Le soleil a deux fois rendu le jour au monde
Depuis que dans ce cloître un vieillard l’amena.
Il regarda tomber sa chevelure blonde,
Lui montra sa cellule, — et puis lui pardonna.
Elle était à genoux quand il s’éloigna d’elle;
Mais en se relevant une pâleur mortelle
La força de chercher un bras pour s’appuyer, —
Et depuis ce moment on n’a plus qu’à prier.

Ah ! priez sur ce lit ! priez pour la mourante!
Si jeune ! et voj^ez-la, sa main faible et tremblante
Vous montre en expirant le lieu de sa douleur, —
Et, quel que soit son mal, il est venu du cœur.
Savez-vous ce que c’est qu’un cœur de jeune fille?
Ce qu’il faut pour briser ce fragile roseau
Qui ploie et qui se courbe au plus léger fardeau?
L’amitié, — le repos, — celui de sa famille, —
La douce confiance, — et sa mère, — et son Dieu, —
Voilà tous ses soutiens ; — qu’un seul lui manque, adieu.
Ah ! priez. Si la mort à son heure dernière,
A la clarté du ciel entr’ ouvrait sa paupière,
Peut-être elle dirait, avant de la fermer,
Comme Desdemona : — « Tuer pour trop aimer. »

Il est sous le soleil de douces créatures
Sur qui le ciel versa ses beautés les plus pures,
Êtres faibles et bons, trop charmants pour souffrir,