Page:Musset - Poésies, édition Nelson.djvu/83

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Parler en s’agitant et passer tour à tour.
Tantôt subitement le bruit semble s’accroître,
Puis tout à coup il cesse, et tous pour un moment
Demeurent en silence et comme dans la crainte
De quelque singulier et triste événement.
Écoutez! — écoutez! — N’est-ce pas une plainte
Que nous venons d’entendre ? On dirait une voix
Qui souffre et qui gémit pour la dernière fois.
Elle sort d’un caveau que la foule environne.
Des pleurs, un crucifix, des femmes à genoux...
O soeurs, ô pâles sœurs ! sur qui donc priez-vous?
Qui de vous va mourir ? qui de vous abandonne
Un vain reste de jours oubliés et perdus?
Car vous, filles de Dieu, vous ne les comptez plus.
Que le sort les épargne ou qu’il voiis les demande,
Vous attendez la mort dans des habits de deuil;
Et qui sait si pour vous la distance est plus grande,
Ou de la vie au cloître — ou du cloître au cercueil?

Inclinée à demi sur le bord de sa couche,
Une femme, — une enfant, — faible, mais belle encor,
Semble en se débattant lutter avec la mort.
Ses bras cherchent dans l’ombre et se tordent. — Sa bouche
Fait pour baiser la croix des efforts impuissants.
Elle pleure, — elle crie, — elle appelle à voix haute
Sa mère... — pâles soeurs, quelle fut donc sa faute?
Car ce n’est pas ainsi que l’on meurt à seize ans.