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AUGUSTE COMTE

Comte pense que le régime positif, qui est l’état vers lequel l’humanité évoluera de plus en plus, sera très fécond pour les beaux arts. « L’essor esthétique ne suppose pas seulement un étal social assez fortement caractérisé pourcomporter une idéalisation énergique : il demande, en outre, que cet état quelconque soit assez stable pour permettre spontanément, entre l’interprète et le spectateur, cette intime harmonie préalable sans laquelle l’action des beaux-arts ne saurait obtenir habituellement une pleine efficacité » (1). Or, ces deux conditions ne se sont rencontrées que chez les anciens ; elles ne pourront être réalisées de nouveau que sous l’ascendant de la génération positive réservée à notre siècle.

Telle est la conception de l’évolution historique de l’art, qu’on trouve dans le Cours de philosophie positive. Quant a l’ordre d’apparition des différents arts, voici ce que Comte écrit : « Il consiste en ce que chaque art a dû se développer d’autant plus tôt, qu : il était, par sa nature, plus général, c’est-à-dire susceptible de l’expression la plus variée et la plus complète, qui n’est point toujours, à beaucoup près, la plus nette ni la plus énergique ; d’où résulte, comme série esthétique fondamentale, la poésie, la musique, la peinture, la sculpture et enfin l’architecture, en tant que moralement expressive » (2).

Pour Comte, les facultés esthétiques de l’homme sont, en quelque sorte, intermédiaires entre les facultés purement morales et les facultés proprement intellectuelles : leur but les rattache aux unes, leur moyen aux autres. Elles sont destinées à l’idéale représentation sympathique des divers sentiments qui caractérisent la nature humaine. Elles peuvent agir et sur l’éducation morale et sur l’éducation intellectuelle. La science, il est vrai, a besoin de l’esprit analytique et abstrait, tandis que l’art est fondé sur l’esprit synthétique et-concret. Pourtant ces deux esprits possèdent des affinités secrètes ; ainsi, sous le polythéisme, l’essor primitif du génie esthétique exerça une grande influence sur l’état mental de l’humanité, pour préparer, sous le monothéisme, la naissance du vrai génie scientifique.

Telles sont les idées principales d’Auguste Comte, louchant l’art et l’esthétique. Elles font partie de sa conception générale de l’univers, comme une pierre fait partie d’un mur, et il est malaisé de

(1) Ibid., vol. VI, p. 155.

(2) Ibid., vol. V, p. 111.