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��PRÉFACE A ARMANCE'

��Pour bien parler de Stendhal, il faudrait un peu sa manière. A l'en croire, c'est presque toujours par ennui qu'il écrit ; mais si vif est le plaisir qu'il y prend, nous ne connaissons jamais avec lui cet ennui qui précède, mais uniquement le plaisir. Nulle contention ; il ne dit jamais rien qu'à l'instant qu'il lui plaît, c'est-à-dire avec le moins d'effort. Comme d'autres à la paresse, il s'abandonne à la pensée. S'il est logique, c'est naturellement et par santé d'esprit ; il ne prétend pas l'être, ne prétendant à rien ; et s'il cesse d'être logique, c'est alors qu'il nous amuse le plus, car alors sa passion l'emporte et cette sensibilité qu'il a plus exquise que la raison, et car la logique appartient à tous, tandis que cette sensibilité n'appartient qu'à lui et que c'est lui surtout, qu'à travers tout ce qu'il dit, nous aimons. C'est au point que nous ne lui en voulons point s'il se trompe et si nous ne pouvons épouser ses goûts. Mais il tient à ceux-ci, et je ne sais ce qui l'étonnerait le plus, s'il revenait sur terre aujourd'hui : du discrédit où sont tombées presque toutes les œuvres d'art qu'il prônait, opéras, tableaux, statues, poèmes — ou de l'insigne faveur où l'on tient ses propres écrits. Je sais bien qu'il espérait être lu plus tard ; mais pouvait-il entrevoir — et ce ton naturel, ne l'eût-il pas perdu s'il avait pressenti — que l'on rechercherait ses moindres traits de plume avec une sorte de dévotion méticuleuse que seul Baudelaire devait

I . Cette préface a été écrite pour l'édition des oeuvres complètes de Stendhal.

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