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2 20 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

��SORTIES, par Henri Hert^ (Rieder).

Que sur la scène de l'Odéon, un acteur de belle stature et bien nourri, chargé du rôle de Jupiter, tonitrue en désignant Psyché : « Hé bien ! je la fais immortelle ! », il ne me convainc point. Est-ce à -dire que je sois incapable de goûter dans la fable d'Apulée ou la tragi-comédie de Molière et Corneille le dénouement de la belle légende ?

Toujours Psyché est prête à l'immortalité, fût-ce sous le nom de Dada. Mais ce sont les Jupiters qui sont défaillants.

Les mondes imaginaires sont les plus attirants ; l'éclosion d'un rêve, d'une association d'idées ou d'images est un sur- prenant miracle, et c'est humainement diviniser l'art que d'im- mortaliser ces illuminations en conviant autrui à communier en elles. Il n'y a plus là copie de nature, mais création spiri- tuelle, pure et absolue. Seulement, que le créateur ne compte plus sur son lecteur pour le soutenir et le compléter dans ses défaillances. Là où il n'y a plus imitation de la Réalité, il faut à l'artiste une poigne solide qui maintienne le lecteur sur le plan où il l'a entraîné par surprise. Sans quoi, le lecteur s'évade et il a raison.

Max Jacob, six ou sept fois sur dix, réussit à nous maintenir dans les univers cocasses au centre desquels il nous place d'autorité. M. Hertz, dont l'esthétique s'apparente à la- sienne, si son tempérament est très diiférent, n'a guère réussi que dans une ou deux sur neuf de ses Sorties à nous enchaîner. Dans les autres, il fait penser au Jupiter de l'Odéon dont la bonne volonté et le talent ne suffisent pas à éterniser des rêves par trop périssables et imprécisés.

Il y a chez M. Hertz le même effort pour personnaliser la forme que le fond. D'où des métaphores neuves, inattendues, et qui font dans le cerveau du lecteur un trou par lequel fuse un jet de lumière. Mais la trame ordinaire des phrases est d'un gris- journal trop fréquent.

On ne peut méconnaître le grand talent de M. Hertz ; on lui tient compte de la difficulté de son entreprise. Mais c'est l'œuvre qu'on juge et non point M. Hertz. On l'aurait voulue plus convaincante. benjamin crémieux

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