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INAHILE IBATAN, TIRAILLEUR DAHOMÉEN 325

retrouvé parmi les phrases toutes faites dues à notre for- mulaire, ces petits mots émanés d'une ferveur plus naïve- ment humaine : Je toujours bonne gentil. (Je serai tou- jours bon, gentil.) Aussi délicatement formée et fermée que des boutons de roses, l'écriture atteste la sincérité de cette promesse et je découvre enfin, dans une marge, tracée d'une pointe de crayon fine comme un cheveu, estompée légèrement de l'ongle^ la première œuvre picturale dlna- hilé.

C'est une délicate copie, répétée, d'un trèfle à quatre feuilles.

Son camarade blanc avait dû lui dire que cela porterait bonheur à sa lettre ; mais la deuxième tentative, la plus jolie, n'ofire que trois feuilles innocemment.

Je me vois désormais telle que je dois apparaître au fugitif : un phénomène d'inhunianité et je me dis, au bout de quelques jours de sa retraite sous sa tente, qu'il ne doit pas me regretter.

Comment, en eftet, pourrait-il m'aimer encore, s'il me croit capable de lui avoir témoigné de la rancune pour les « méfaits » qu'il s'est reprochés ? Je le suppose bien con- solé et remplaçant mes leçons par les conseils du soldat français obligeant qui l'a aidé à faire ses lettres.

Mon hypothèse est approuvée par ma famille et par notre locataire, le capitaine Vie.

Toutefois j'interviewe sur le sujet Moussa Boury, l'or- donnance de Vie, et celui-là même qui fut notre courrier. Moussa Boury n'est qu'un enfant ; sur ses traits ronds, sur ses joues rebondies, sa peau tendue reluit comme celle d'une grenade verte. On ne saurait dire qu'il sourit : quand il s'égaie, sa chair crève comme un fruit trop plein et laisse voir, tout blancs encore, les pépins des dents.

Cependant malgré sa jeunesse, je pense que Moussa Boury est plus grand oracle que moi, que son capitaine €t que tous les miens sur les questions sentimentales, car, à propos des chagrins de cœur, sa gravité devient farouche.

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