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646 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

sont des gens que j'ai vus souvent autrefois chez des amis, il y a longtemps, ils sont agréables. » M"'= de Caprarola partie, Odette aurait bien voulu avoir dit simplement la vérité. Mais le mensonge immédiat était non le produit de ses calculs, mais la révélation de ses craintes, de ses désirs. Elle niait non ce qu'il eût été adroit de nier, mais ce qu'elle aurait voulu qui ne fût pas, même si l'interlocuteur devait apprendre dans une heure que cela était en effet. Peu après elle avait repris son assurance et avait même été au devant des questions en disant pour ne pas avoir l'air de les craindre: « M™^ Verdurin, mais comment, je l'ai énor- mément connue » avec une affectation d'humilité comme une grande dame qui raconte qu'elle a pris le tramway. (( On parle beaucoup des Verdurin depuis quelque temps, disait M™" de Souvré. » Odette avec un sourire de duchesse répondait : « Mais oui, il me semble en effet qu'on en parle beaucoup. De temps en temps il y a comme cela des gens nouveaux qui arrivent dans la société », sans penser qu'elle était elle-même une des plus nouvelles. « La Princesse de Caprarola y a dîné, reprit M"^ de Souvré. — Ah ! répondit Odette en accentuant son sourire, cela ne m'étonne pas. C'est toujours par la Princesse de Capra- rola que ces choses là commencent, et puis il en vient une autre, par exemple la Comtesse Mole ». Odette en disant cela avait l'air d'avoir un profond dédain pour les deux grandes dames qui avaient l'habitude d'essuyer les plâtres dans les salons nouvellement ouverts. On sentait à son ton que cela voulait dire qu'elle, Odette, comme M"*^ de Souvré, on ne réussissait pas à les embarquer dans ces galè- res-là. Après l'aveu d'intelligence de M™^ Verdurin par la Princesse de Caprarola, le second signe que les Verdurin avaient conscience du destin futur était que (sans l'avoir formellement demandé, bien entendu) ils souhaitaient assez vivement qu'on vînt dîner chez eux en habit du soir ; M, Verdurin eût pu maintenant être, salué sans honte par son neveu, celui qui était « dans les choux »,

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