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rielle plus puissante que les forces spirituelles. On voit enfin que les haines patriotiques ne peuvent subsister que dans la misère. Les nations ne s’étaient jusqu’ici précautionnées que contre la contamination pathologique. Aucune n’avait l’idée de mettre la nation voisine en état de maladie pour se maintenir soi en état de santé, mais chacune croyait se maintenir en fortune en tenant autrui en misère.

L’internationalisme commercial d’avant 1914 pouvait encore affirmer qu’une nation avait intérêt à vaincre l’autre. Il apparaît après les hostilités de 1914-1918 qu’une nation en frappant une autre se frappe elle-même. L’idée de Norman Angell que la guerre appauvrit toutes les nations belligérantes, même le vainqueur levant tribut, est étendue jusqu’à la preuve que la guerre associe toutes les nations pour la réparation des ruines qu’elles se sont causées. Quand même cela serait une iniquité par égard à une nation assaillie, c’est une réalité, non pas amenée par le raisonnement et la justice des hommes, mais imposée à eux comme une intempérie, un cataclysme, une loi physique. Il n’y a pas entre les nations de non-solidarité devant la misère de l’une d’entre elles. Quand la pénurie et l’inanition sévissent en Russie, en Autriche, les effets en courent jusqu’en Angleterre et en Amérique par le chômage des usines dont les produits ne sont plus achetés par les peuples dépourvus. Il faut aider le vaincu, enrichir le client, procurer le crédit à qui doit payer le tribut. La France se rebute à cette solidarité internationale qui n’a pas été pensée par elle. Des révélations s’accomplissent matériellement qui ne sont point encore établies dans l’esprit des peuples mais déjà les contraignent et les dominent. L’idée vient dernière, entraînée par les faits. La France basant son raisonnement sur la justice d’obliger l’Allemagne à réparer les ruines qu’elle a accomplies ; l’Allemagne voulant l’éviter et réserver sa fortune au détriment de la France, ont cependant un intérêt commun sur quoi leurs sentiments ne leur permettent pas de s’entendre. Se cherchant des raisons