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NOTES 607

à prétentions éblouissantes, il constitue à la fois une faute de goût et une erreur de composition.

Mais que ces réserves ne dissimulent pas l'admiration que nous inspire une œuvre d'un tel poids et d'une saveur si violente. Quelques semaines de méditation et une révision plus exi- geante de son manuscrit auraient permis à Pierre Hamp de corriger les quelques défauts qu'on a trouvés à ces deux volumes. Les qualités qu'on y voit ne relèvent ni de la seule réflexion ni d'un labeur uniquement obstiné. Elles demandent un tempérament d'une richesse exceptionnelle, une puissance constructive qui passe l'ordinaire, une sorte d'enthou- siasme intellectuel, et ce don de vision synthétique grâce auquel la Peine des Hommes formera un jour un monument littéraire auquel le recul du temps permettra seul sans doute de donner sa pleine valeur.

JEAN-RICHARD BLOCH.

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OUVERT LA NUIT, par Paul Morand (Editions de la Nouvelle Revue Française).

Six nuits, — six feux d'artifice dont on reste ébloui et un peu ivre. Palaces, bars, dancings, sleepings-cars en gerbes de feux électriques dans la nuit de l'après-guerre. Ecrans lumi- neux de cinéma éclatant dans l'ombre oia nul ne se reconnaît plus. Entr'actes noirs, retour au chaos et au rut originels, gouttelettes chaudes du sang répandu sans raison, l'interna- tionale rouge et l'internationale fardée, toute une civilisation qui s'engouffre au néant dans un tumulte de jazz-band, un parfum d'éther et d'opium, une ivresse de cocaïne, tout le détraquement des sens, des nerfs et des cerveaux. Six femmes emportées par le grand tourbillon du cataclysme, pauvres choses sans résistance, roulées de l'idéal révolutionnaire au vice, d'un palais granducal à un grill-room équivoque, d'un café-chantant à la synagogue de leur enfance, d'oubh en oubli et de bras en bras jusqu'à celui d'un ruffian assassin, de l'hygiène salvatrice des corps et des âmes à la petite secousse du lit d'hôtel. Six femmes qui sont l'image même de ce nou- veau pauvre qu'est le monde d'aujourd'hui et qui demande aux alcools et aux stupéfiants l'oubli de sa misère. « C'est une

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