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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

tante !… Mais ne crois pas que je sois malheureuse ; je puis presque dire : au contraire — car V épreuve qui vient de secouer Juliette a eu son contre-coup en moi. Ce mot de l'Ecriture que je répétais sans trop le comprendre s’est éclairé soudain pour moi : " Malheur à l’homme qui met sa confiance dans l’homme ". Bien avant de la retrouver dans ma Bible, j’avais lu cette parole sur une petite image de Noël que Jérôme m’a envoyée lorsqu’il n’avait pas douze ans et que je venais d’en prendre quatorze. Il y avait, sur cette image, à côté d’une gerbe de fleurs, qui nous paraissaient alors très jolies, ces vers d’une paraphrase de Corneille:

Quel charme vainqueur du monde
Vers Dieu m’élève aujourd’hui ?
Malheureux l’homme qui fonde
Sur les hommes son appui !

auxquels j’avoue que je préfère infiniment le simple verset de Jérémie. Sans doute Jérôme avait alors choisi cette carte sans faire grande attention au verset. Mais, si j’en juge d’après ses lettres, ses dispositions aujourd’hui sont assez semblables aux miennes, et je remercie Dieu chaque jour de nous avoir du même coup rapprochés tous deux de lui.

Me souvenant de notre conversation, je ne lui écris plus aussi longuement que par le passé, pour ne pas le troubler dans son travail. Tu vas trouver sans doute que je me dédommage en parlant de lui d’autant plus ; de peur de continuer j’arrête vite ma lettre; pour cette fois ne me gronde pas trop."


Qu’ai-je affaire des réflexions que me suggéra cette lettre ? Je maudis l’indiscrète intervention de ma tante (qu’était-ce que cette conversation à laquelle faisait allu