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LA PORTE ÉTROITE
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regarde avec un œil tout neuf V aurore… Sur la terrasse de Cortone, m’appelais-tu vraiment ? je t’entendais… On avait terriblement soif sur la montagne au-dessus d’Assise ! mais que le verre d’eau du Franciscain m’a paru bon !… mon ami ! je regarde à travers toi chaque chose ! que j’aime ce que tu m’écris à propos de Saint François ! Oui, n’est-ce pas, ce qu’il faut chercher, c’est une exaltation, et non point une émancipation de la pensée. Celle-ci ne va pas sans un orgueil abominable. Mettre sa volonté non à se révolter, mais à servir…

Les nouvelles de Nîmes sont si bonnes qu’il me paraît que Dieu me permet de m’abandonner à la joie. La seule ombre de cet été, c’est l’état de mon pauvre père ; malgré mes soins il reste triste, ou plutôt il retrouve sa tristesse dès l’instant que je le laisse à lui-même et il s’en laisse toujours moins aisément tirer. Toute la joie de la nature parle autour de nous une langue qui lui devient étrangère ; il ne fait même plus effort pour V entendre. Miss Ashburton va bien. Jeteur lis tes lettres à tous deux, ce qui nous donne de quoi causer pour trois jours ; alors arrive une nouvelle lettre…

…Robert nous a quittés avant-hier ; il va passer la fin des vacances chez son ami R. dont le père dirige une ferme modèle. Certainement la vie que nous menons ici n’est pas bien gaie pour lui. Je n’ai pu que V encourager dans son projet, lorsqu’il a parlé de partir…

…J’ai tant à te dire ; j’ai soif d’une si inépuisable causerie ! parfois je ne trouve plus de mots, d’idées distinctes, — ce soir j’écris comme en rêvant — gardant seulement la sensation presque oppressante d’une infinie richesse à donner et à recevoir.

Comment avons-nous fait, durant de si longs mois, pour