Page:NRF 1909 2.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
184
LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

te voir le matin, je l'avais laissée venir. Mais peut-être n’est-ce qu’à sa présence que nous devons les seuls bons moments de ce revoir.

J’eus V étrange illusion, quelques instants, que cette conversation aisée allait durer longtemps, longtemps… Et quand tu t’es approché du canapé où j’étais assise avec elle et que te penchant vers moi tu m’as dit adieu, je n’ai pu te répondre ; il m’a semblé que tout finissait : brusquement, je venais de comprendre que tu partais.

Tu n’étais pas plus tôt sorti avec Madeleine, que cela m’a paru impossible, intolérable. Sais-tu que je suis ressoriie ? je voulais te parler encore, te dire enfin tout ce que je ne t’avais point dit. Déjà je courais chez les Plantier… il était tard ; je n’ai pas eu le temps, pas osé… Je suis rentrée désespérée t’écrire… que je ne voulais plus t’écrire… une lettre d’adieu… parce qu’enfin je sentais trop que notre correspondance tout entière n’était qu’un grand mirage, que chacun de nous n’écrivait, hélas ! qu’à soi-même et que…

Jérôme ! Jérôme ! ah ! que nous restions toujours éloignés !

J’ai déchiré cette lettre il est vrai ; mais je te la récris à présent presque la même. Oh ! je ne t’aime pas moins, mon ami ! Au contraire je n’ai jamais si bien senti, à mon trouble même, à ma gêne dès que tu t’approchais de moi, combien profondément je Vannais, désespérément, vois-tu, car il faut bien me l’avouer : de loin je t’aimais davantage. Déjà je m’en doutais, hélas ! Cette rencontre tant souhaitée achève de m’en instruire, et c’est de quoi toi aussi, mon ami, il importe de te convaincre. Adieu, mon frère tant aimé ; que Dieu te garde et te dirige ; de Lui seul on peut impunément se rapprocher."