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200 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

— Que l'incertaine félicité qu'il propose.

— N'y crois-tu donc pas? m'écriai-je.

— Qu'importe! reprit-elle; je veux qu'elle demeure incertaine, afin que tout soupçon de marché soit écarté. C'est par noblesse naturelle, non par espoir de récompense que l'âme éprise de Dieu va s'enfoncer dans la vertu.

— De là ce secret scepticisme où se réfugie la noblesse de Pascal.

— Non scepticisme ... — jansénisme, dit-elle en souriant. Qu'avais-je affaire de cela ? Les pauvres âmes que voici — et elle se retournait vers ses livres — seraient bien embarrassées de dire si elles sont jansénistes, quiétistes ou je ne sais quoi de différent. Elles s'inclinent devant Dieu comme des herbes qu'un vent presse, sans malice, sans trouble, sans beauté. Elles se tiennent pour peu remarquables et savent qu'elles ne doivent quelque valeur qu'à leur effacement devant Dieu.

— Alissa ! m'écriai-je, pourquoi t'arraches-tu les ailes ? Sa voix restait si calme et naturelle, que mon excla- mation m'en parut d'autant plus ridiculement emphatique.

Elle sourit de nouveau, en secouant la tête.

— Tout ce que j'ai retenu de cette dernière visite à Pascal. ..

— Quoi donc ? demandai-je, car elle s'arrêtait.

— C'est ce mot du Christ : " Qui veut sauver sa vie la perdra. " Pour le reste, reprit-elle en souriant plus fort et en me regardant bien en face, en vérité je ne l'ai presque plus compris. Quand on a vécu quelque temps dans la société de ces petits, c'est extraordinaire combien vite la sublimité des grands vous essouffle.

Dans mon désarroi n'allais-je trouver rien à répondre?...

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