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LA PORTE ETROITE 201

— S'il me fallait aujourd'hui lire avec toi tous ces sermons, ces méditations...

— Mais, interrompit-elle, je serais désolée de te les voir lire ! Je crois en effet que tu es né pour beaucoup mieux que cela.

Elle disait cela tout simplement, et sans paraître se douter que ces mots qui séparaient ainsi nos deux vies pussent me déchirer le cœur. J'avais la tête en feu ; j'aurais voulu pleurer comme un enfant; peut-être eût-elle été vaincue par mes larmes. Mais je restai sans plus rien dire, les coudes appuyé> sur la cheminée et le front dans les mains. Elle continuait tranquillement d'arranger ses fleurs, ne voyant rien de ma douleur, ou faisant semblant de ne rien voir....

A ce moment retentit la première cloche du repas.

— Jamais je ne serai prête pour le déjeûner, dit-elle. Laisse-moi vite. — Et comme s'il ne s'était agi que d'un jeu :

— Nous reprendrons cette conversation plus tard.

Cette conversation ne fut pas reprise. Alissa m'échap- pait sans cesse; non qu'elle parût jamais se dérober, mais toute occupation s'exagérait aussitôt en devoir de beaucoup plus pressante importance que ce qui tourmen- tait mon cœur. Je prenais rang ; je ne venais qu'après les soins toujours renaissants du ménage, qu'après la surveillance des travaux qu'on avait dû faire à la grange, qu'après les visites aux fermiers qui nou>> fournissaient œufs, lait, beurre et volailles, les visites aux pauvres dont elle s'occupait de plus en plus. J'avais ce qui restait de temps, bien peu, je ne la voyais jamais qu'affairée — mais

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