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��NOTES

��LES "PAYSAGES D'EAU" de CLAUDE MONET.

Digne couronnement d'une admirable carrière ! Ce n'est pas un vieillard que le peintre exalté qui cinq années durant, chaque jour et hier encore, se pencha sur l'étang fleuri de nénuphars qui est le thème de ses récentes œuvres, pour célébrer d'une passion inlassable le reflet des arbres et du ciel dans l'eau. Quelle foi ! quelle candeur ! quelle maîtrise ! Le métier compte-t-il ici ? Non plus. Nous l'avons connu là franc et brutal, là insaisissable, dans les Meules, les Falaises, les Peupliers, les Cathédrales, les Rues de Londres, pour chaque série différent, comme la solution unique du problème d'art qui se posait devant le maître à chaque effort nouveau. Ici, ce multiple métier Monet le domine, Monet le dépasse. Et tour à tour la matière de ces stupéfiants morceaux se montrera à nous, toute lisse de glacis, toute granuleuse et poreuse, toute hachée d'empâtements, et l'indication d'une fleur sur l'eau naîtra d'une touche volontaire et grasse, d'un frottis subtil, d'une éclaboussure fortuite, ou d'un nerveux paraphe curieusement expressif. Que cette suprême liberté ne soit pas virtuosité vaine, que le peintre loin d'étaler à plaisir la variété de ses moyens se les laisse imposer par son émotion toute fraîche et donne ainsi à cette émotion comme spontanément sa forme absolue et définitive, voilà bien le miracle — et Monet l'a réalisé.

Mais que vais-je parler maintenant de matière, de justesse dans les valeurs, d'atmosphère, de coloris ! ce sont là termes de peinture. Il y a plus que de la peinture ici : l'eau même, ce qui s'y reflète, et une émotion devant l'eau.

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