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428 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

la charge aussitôt se défait, glisse et tout le monde de crier, y compris mes hommes qui, dans leur joie, s'allon- gent les uns aux autres de fortes bourrades et d'ailleurs se gardent bien d'intervenir. — Excédé, je tourne les talons...

A 9 heures, pourtant, j'ai la surprise de voir le convoi défiler sagement sous mes fenêtres. Cahin-caha, il suit la longue allée d'arbres, toute bordée de roses, qui de la maison conduit à la route. Eh quoi, on part vraiment ?... Je monte en selle. La matinée est limpide, pleine comme d'une eau, de cette lumière exquise, sans éclat ni scintil- lement, qui à Addis-Abeba fait de chaque minute du jour l'occasion de la plus naturelle félicité. Les hauts eucalyp- tus allongent leur ombre sur les pelouses : j'entends dans les branches les milans pousser leur long sifflement doux, cette espèce de trille qui dès l'aube me réveillait. Tout est vif, clair, léger. Parmi les gobéas écarlates, dont les massifs cachent à demi la maison, des sucriers aux ailes étincelantes volètent et luisent. Je ne quitte point sans regret ce jardin délicieux. Un souffle court agite les gros régimes ballants des lataniers au dessus des rosiers où tant de fois, j'ai cueilli, dans la chair tiède des roses, ces hannetons d'émeraude qu'on ne rencontre qu'ici. Le bois d'eucalyptus est là, derrière, obscur, profond ; entre les troncs la prairie se découvre que hantent les chiens errants et les corbeaux à tête blanche qui ont une crête osseuse sur le bec. Quel parfum sous ces ombrages, en Mars, au moment de la floraison, quand les abeilles assaillent les courtes petites fleurs amères !... Déjà, à tout cela j'ai tourné le dos... Mais au seuil de la porte où m'attendent

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