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les conquêtes du commandant belormeau

— Comme tu es parée ! Pis que la statue de sainte Pélagie, le jour de sa fête.

— C’est de mon âge, je pense, avait répondu aigrement la jeune fille ; ce n’est point au vôtre que je m’ornementerai.

Maintenant, têtue comme une mule, la Gertrude continuait :

— Ma fille, tu dois manger plus que tes gages à te couvrir d’affiquets ?

— Ma tante ne m’a-t-elle pas laissé des écus dans sa tirelire.

— La pauvre ! Si elle pouvait voir l’emploi que tu en fais !

— Ah ! vous vous chargez bien de la remplacer, Gertrude, avec tous vos sermons !

« Quand on est jeune et jolie fille, c’est trop tentant de se toiletter.

Gertrude s’esclaffa :

— Toi, jolie fille ! Toi, la Nanniche ! Oh ! par exemple, tu en as des illusions !

— Je ne suis pas de votre goût ?… C’est bien dommage ! Tout le monde n’a pas le même avis, fit Annette en se rengorgeant, avec un air, plein de sous-entendus mystérieux.

— Tu ne t’es pas bien regardée, ma fille.

Ah ! si tu ressemblais à nos demoiselles.

Le visage de la jeune servante passa à l’incarnat ; ses petits yeux pétillèrent de colère.

— Nos demoiselles ! Qu’est-ce qu’elles ont donc, de sans pareil ? Vous, la Gertrude, vous ne voyez que les maîtres ! Ah ! si j’étais attifée comme elles !

— Je te vois, avec une jupe à plis et un manteau à pèlerine… tu aurais l’air d’une tonne à bière.

— Moi, j’ai de la santé, j’ai de la fraîcheur… Dites-en donc autant de Mlle Valentine qui n’a seulement pas de chair sur les os, pas de couleurs au visage et des yeux qui regardent dans l’autre monde.