— Qu’est-ce que vous pensez donc, demoiselle ? Je le suivrais comme cantinière, bien entendu.
Valentine ne put s’empêcher de rire de la prestesse avec laquelle se retournait Annette, et celle-ci, dégringolant l’escalier qui gémissait sous la charge, alla contempler l’artillerie de plus près.
Pour être véridique, avouons que Mlle Stenneverck fit sa toilette avec plus de rapidité qu’elle n’en apportait d’habitude à cette importante opération. Aussi entra-t-elle dans la salle à manger à une heure inaccoutumée.
Grand-père Frantz, toujours malin, en fit aussitôt la remarque.
— L’artillerie fait des miracles, dit-il ; voici ma petite-fille qui paraît trois heures seulement après l’aurore.
Le vieillard se tenait debout devant la fenêtre et s’amusait du va-et-vient des arrivants.
— Que vous êtes taquin, grand-père, fit Valentine, en lui tendant son front ; vous oubliez que, de ma chambre, j’en pouvais voir tout autant.
— Le bruit t’avait-il réveillée ?
— Pas le moins du monde. C’est Nanniche, Nanniche radieuse, qui est venue m’annoncer la nouvelle.
— Parlons-en de Nanniche… Ta mère n’a point fini de se tourner le sang ; il n’y a pas moyen de la déraciner du seuil de la porte ; elle a déjà tenu conversation avec une demi-douzaine de soldats.
— Il y a longtemps, grand-père, que nous n’avions eu de troupes.
— Hé oui ; nous ne sommes plus sur le chemin de la frontière, depuis qu’on a tracé la grande route.
Autrefois, du temps de l’empereur, nous ne voyions que cela, des détachements militaires.
— Cela met un peu de gaîté dans la ville.
— Oui et les gens de France font toujours bonne mine à l’uniforme.