Page:Nau - Force ennemie.djvu/274

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regardent avec des yeux amincis, plus méprisants que pitoyables, contemplent ensuite leur chef de file et, devant son attitude réprobatrice, se résignent — sans chagrin — à ignorer mon existence. On tâchera d’admettre que je ne suis pas là, bien que, très sûrement, ma présence déplaise et agace. Mon frère qui n’a pas suivi ces jeux de scène s’installe dans un fauteuil, se met à causer, à féliciter de son prompt rétablissement ce cordial M. Jagre. On continue de m’ignorer. Cependant, voyant que je vais m’asseoir sans y être autorisé, la dame au mufle léonin me désigne un siège, puis détourne la tête avec une sorte d’horreur.

Tout, en cette famille, révèle les mesquins bourgeois à prétentions faussement distinguées, assez imitateurs pour avoir acquis une apparence de tenue impressionnante tout au plus pour un ours de mon espèce, mais trop sots pour remédier aux vices de leur première éducation qui n’a développé chez eux que la vanité la plus outrecuidante et le plus frénétique mépris pour les gens d’ « espèce inférieure ». Ils sont malades de « bon genre » comme ma belle-sœur est malade de « comme-il-faut ».

Julien a dû attenter à une loi primordiale de l’étiquette acceptée par ces fantoches, en m’amenant dans leur demeure sacro-sainte, car la petite figure de M. Jagre se bosselle de tics mécontents. Sa peau luisante se tend sur ses maxillaires saillants, la courbe de la lèvre supérieure devient convexe ; les pommettes ressemblent à des noix ; le