Page:Nau - Force ennemie.djvu/276

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— Comme Adèle devient jolie ! fait-il effrontément. Elle a une mine charmante aujourd’hui. Et quelle gentille fille, si douce et si bien élevée !

La jeune personne trop rectiligne sourit, flattée, mais la matrone ne désarme pas :

— Vous la comblez, mais elle est encore bien loin de la perfection. Hélas ! à notre époque, une jeune fille a parfois à subir d’étranges voisinages ! Même dans la « maison familiale », elle est exposée à rencontrer « toute sorte de gens ! »

Il faut voir les mines scandalisées et dégoûtées du lionceau, du Sieur Jagre, dont le visage chiffonné rappelle exactement, à cette minute, le museau d’un malingre et dédaigneux matou, — de la vieille demoiselle au nez en éteignoir !

Les regards de toute la smalah convergent vers moi, me somment de sortir, de disparaître. Par affection pour mon frère déjà prêt à se lever, à faire peut-être un éclat, à se brouiller avec une famille qu’il aime — (c’est un goût dépravé !) — j’ai la lâcheté de vouloir sinon me gagner les bonnes grâces de cette race ennemie, du moins calmer ses appréhensions au sujet de ce qu’elle doit appeler ma « hideuse maladie mentale ». Et, prenant « mon courage à deux mains », je balbutie, j’ânonne cette énormité que je prends, sur le moment, pour une plaisanterie un peu lourde mais aimable :

— Oh ! Madame, il n’y aurait qu’un bien mince vernis qui s’écaillerait à un simple contact. Je suis sûr que, grâce à une mère comme vous, mademoi-