Page:Nau - Force ennemie.djvu/324

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flot à la queue-leu-leu, chargées de barils de rhum, de boucauts de sucre et d’ « emballages » fantastiques. Des mariniers vocifèrent, perchés sur les ballots, courant sur les grandes caisses, — ceux-ci d’un noir brillant comme une cassure de réglisse, ceux-là tabac sombre, fève tonka, chocolat frais, palissandre poli, très vieux chêne terni, fumé, — café grillé, café-au-lait, or sombre, jaune ambré, jaune mat.

On vit beaucoup sur l’eau et dans l’eau ici. Des centaines de baigneurs, de six à soixante ans, courent sur la plage, cabriolent, avancent dans la mer, toujours galopants, s’allongent sur le flot, se lancent à la nage, barbotent comme des Terre-Neuve, bondissent et se bousculent comme des troupes de marsouins.

Là-bas, sous les grands arbres du Mouillage, une foule aux vêtements d’un coloris vénitien s’agite, va et vient, semble processionner, — d’un éclat incroyablement gai dans tout ce vert intense, doux et profond.

… Enfin « la Santé » nous aborde, nous arraisonne et nous accorde la permission d’aller à terre. On descend le « youyou » à l’eau, puis on largue l’échelle « de commandement ». Le Capitaine et quatre matelots, dont je suis, selon la promesse de Le Coatmabergastmelen, prennent place dans ce youyou, dans cette yole, — et en route pour le Marché du Mouillage.

Sous la haute voûte de verdure il fait une cha-