Page:Nerciat - Félicia.djvu/241

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partîmes de suite. J’étais un domestique si zélé, si attentif ; heureux dans mon état, je le remplissais avec tant d’exactitude, que bientôt ma belle maîtresse me témoigna combien elle était contente de mes services. Elle daignait quelquefois causer avec moi et me faire compliment de ce que je m’énonçais moins mal que le commun des laquais. Je ne bougeais de l’antichambre ; on m’y trouvait toujours occupé à lire ou à cultiver quelques dispositions que j’avais pour le dessin. Est-il rien de plus naturel pour un amant que de s’exercer dans un art qui se lie avec les sentiments de son cœur, qui a pour but de reproduire sous mille formes différentes l’objet dont il est occupé ?

« Une année se passa dans le plaisir (faible à la vérité, mais journalier et suffisant à mon espérance), dans le plaisir de voir sans cesse celle que j’aimais, de sentir qu’elle prenait à moi tout l’intérêt auquel mon état pouvait me permettre de prétendre. Je faisais quelquefois des vers passionnés, où je chantais mon adorable maîtresse sous le nom d’Aminte. Quoiqu’elle fût de sept ans plus âgée que moi, qui en avais alors vingt et un, elle méritait mille fois au delà des louanges que je pouvais donner à ses charmes, à sa fraîcheur. Née dans ces lieux fortunés, où la nature est si prodigue de ses dons en faveur de votre sexe, Géorgienne en un mot, Aminte, était un chef-d’œuvre que notre climat étonné semblait respecter… Aminte (ce nom sera plus doux à votre oreille que celui de Kerlandec), la divine Aminte accueillait mes vers ; quelquefois elle avait la complaisance de les montrer, sans nommer l’auteur, et de me transmettre les éloges qu’elle pouvait avoir recueillis dans les cercles.

« Notre maison était le séjour de la paix et de l’innocence : les seuls plaisirs d’Aminte étaient la lecture, les spectacles, la société d’un petit nombre d’amies choisies, et d’amis dont aucun ne semblait prétendre au titre d’amant, moi-même aveugle ! moi, dont le cœur était sourdement miné par les feux les plus terribles, je me croyais presque raisonnable. Je supposais Aminte attachée par le