Page:Nerciat - Félicia.djvu/40

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pâleur soudaine ternit son visage ; elle se trouva mal ; on s’empressa de la secourir. — Cela ne sera rien, disait mon oncle, la délaçant et livrant, tout mari qu’il était, deux globes divins aux yeux connaisseurs de ses confrères. L’un donnait un flacon, l’autre frappait dans les mains ; Lambert seul, par l’excès de l’intérêt qu’il prenait à cet accident, demeurait inutile, et Sylvino l’en plaisantait avec malignité. Cependant les beaux yeux de Sylvina se rouvrirent. Un baiser et quelques mots fort tendres de la part de son époux achevèrent de la rassurer. On se remit à table. La malade se rétablit en avalant quelques rasades de Champagne ; après quoi Sylvino, pour la tranquilliser et mettre ses amis au fait, prit la parole et dit : « Tout ceci, messieurs, doit vous paraître fort extraordinaire ; il n’y a, de vous trois, que l’ami Lambert qui puisse se douter à peu près de ce dont il s’agit ; voici le fait : ma femme est charmante, vous la voyez ; on l’aime, je n’en suis pas étonné, puisque moi, son mari, j’en suis encore amoureux. Il faut que pendant mon absence elle ait mécontenté quelque adorateur ; il cherche maintenant à se venger en m’écrivant des choses… assez graves pour mettre martel en tête à certains époux. Mais des gens ainsi susceptibles sont des hétéroclites honnis, et je suis bien éloigné d’avoir leurs petitesses. On me mande donc que certain ami très amoureux a beaucoup fréquenté ma femme ; que, pour répondre plus librement à cette passion, elle s’est séparée de toute société, privée de tout plaisir ; qu’il n’y a nul doute, en un mot, que le traître (c’est ainsi qu’on le désigne) n’ait poussé les choses au dernier période. On crie au scandale : on me conseille de punir ma femme… on… mais, dites-moi, messieurs, quel cas pensez-vous que je doive faire de ces avis importants ?… » — Je pense, dit l’un des étrangers, que madame est incapable d’avoir donné matière à d’indignes soupçons… — Cela est honnête, interrompit Sylvino. — Et vous ? en s’adressant au second. — Je pense de même que monsieur. — Et l’ami Lambert ? — Tiens, mon cher Sylvino, je t’entends à merveille : mais veux-tu que je te parle avec ma franchise ordinaire ? C’est