Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/126

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— C’est ce qu’on appelle la mécanique ; c’est pour maintenir la peau des gants afin de les coudre.

— Ah ! vous êtes gantière, Sylvie ?

— Oui, nous travaillons ici pour Dammartin, cela donne beaucoup dans ce moment ; mais je ne fais rien aujourd’hui ; allons où vous voudrez. 

Je tournais les yeux vers la route d’Othys : elle secoua la tête ; je compris que la vieille tante n’existait plus. Sylvie appela un petit garçon et lui fit seller un âne.

— Je suis encore fatiguée d’hier, dit-elle, mais la promenade me fera du bien ; allons à Châalis. 

Et nous voilà traversant la forêt, suivis du petit garçon armé d’une branche. Bientôt Sylvie voulut s’arrêter, et je l’embrassai en l’engageant à s’asseoir. La conversation entre nous ne pouvait plus être bien intime. Il fallut lui raconter ma vie à Paris, mes voyages…

— Comment peut-on aller si loin ? dit-elle.

— Je m’en étonne en vous revoyant.

— Oh ! cela se dit !

— Et convenez que vous étiez moins jolie autrefois.

— Je n’en sais rien.

— Vous souvenez-vous du temps où nous étions enfants et vous la plus grande ?

— Et vous le plus sage !

— Oh ! Sylvie !

— On nous mettait sur l’âne chacun dans un panier.

— Et nous ne nous disions pas vous… Te rappelles-tu que tu m’apprenais à pêcher des écrevisses sous les ponts de la Thève et de la Nonette ?

— Et toi, te souviens-tu de ton frère de lait, qui t’a un jour retiré… de l’ieau.

— Le grand frisé ! c’est lui qui m’avait dit qu’on pouvait la passer, l’ieau !  

Je me hâtai de changer la conversation. Ce souvenir m’avait vivement rappelé l’époque où je venais dans le pays, vêtu