Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/127

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d’un petit habit à l’anglaise qui faisait rire les paysans. Sylvie seule me trouvait bien mis ; mais je n’osais lui rappeler cette opinion d’un temps si ancien. Je ne sais pourquoi ma pensée se porta sur les habits de noces que nous avions revêtus chez la vieille tante à Othys. Je demandai ce qu’ils étaient devenus.

— Ah ! la bonne tante, dit Sylvie, elle m’avait prêté sa robe pour aller danser au carnaval de Dammartin, il y a de cela deux ans. L’année d’après, elle est morte, la pauvre tante !  

Elle soupirait et pleurait si bien que je ne pus lui demander par quelle circonstance elle était allée à un bal masqué ; mais, grâce à ses talents d’ouvrière, je comprenais assez que Sylvie n’était plus une paysanne. Ses parents seuls étaient restés dans leur condition, et elle vivait au milieu d’eux comme une fée industrieuse, répandant l’abondance autour d’elle.

XI

RETOUR

La vue se découvrait au sortir du bois. Nous étions arrivés au bord des étangs de Châalis. Les galeries du cloître, la chapelle aux ogives élancées, la tour féodale et le petit château qui abrita les amours d’Henri IV et de Gabrielle se teignaient des rougeurs du soir sur le vert sombre de la forêt.

— C’est un paysage de Walter Scott, n’est-ce pas ? disait Sylvie.

— Et qui vous a parlé de Walter Scott ? lui dis-je. Vous avez donc bien lu depuis trois ans !… Moi, je tâche d’oublier les livres, et ce qui me charme, c’est de revoir avec vous cette vieille abbaye, où, tout petits enfants, nous nous cachions dans les ruines. Vous souvenez-vous, Sylvie, de la peur que vous aviez quand le gardien nous racontait l’histoire des moines rouges ?